Certains diront que s’il y a une chose qu’il ne faut pas décentraliser, c’est bien l’environnement, « car tout le monde sait » que n’importe qui, fera n’importe quoi, une fois décentralisée une telle responsabilité.
Qu’en est-il vraiment? La première question qu’on doit se poser est : « peut-on avoir les mêmes lois ou règles pour des réalités totalement différentes? ». Est-ce qu’on doit avoir les mêmes normes dans un milieu presque totalement artificialisé comme dans les grandes villes, que dans un milieu rural où à peu près tout est naturel? Est-ce qu’un petit milieu humide, situé sur un territoire où l’on retrouve près de 40% de ce territoire en milieu humide est aussi important à protéger, que le dernier petit milieu humide d’un territoire urbain? Je crois que non. Tenir compte de la rareté et de la qualité du milieu doit faire partie de notre réflexion dans le processus de décision. On ne peut plus accepter le mur à mur basé sur la théorie plutôt que la réalité.
Qui plus que les régionaux, connaissent mieux la réalité de leur territoire? Qui plus qu’eux et elles sont les mieux placés pour comprendre et protéger leur territoire que ceux et celles qui y habitent? J’en sais quelque chose, parce que avec d’autres, j’ai passé une grande partie de ma vie à m’impliquer pour protéger l’environnement de notre région, et ce sans soutien du Ministère de l’environnement du Québec, sauf une fois, en 1980.
Quant à ceux et celles qui disent que les petits milieux ne pourront pas tenir tête à de grosses multinationales en matière d’environnement, je vous rappellerez que les personnes qui ont autorisé, des multinationales comme la Fonderie Horne en Abitibi, à pouvoir dépasser les normes de 33 fois étaient au central et non au régional ou au local. Qui plus est, si la décision avait été prise au niveau régional, sachant qu’une telle décision allait affecter, ses enfants, ses parents, ses amis, je crois qu’elle aurait été différente et probablement pas secrète. Il est plus facile de prendre une décision « de loin » qui ne concerne que des gens que l’on ne connait pas.
D’autre part, les décisions de l’avenir devront être transparentes et publiques. Il faudra que les multinationales opèrent à découvert, plutôt qu’en dessous de la table par le biais de lobbyistes grassement payés. Si une multinationale veut faire chanter une région, rien n’empêchera la région de faire appel à la solidarité des autres régions, de l’État central ou à l’internationale, au besoin.
Il va falloir aussi être capable de démêler les gros impacts des plus petits, trop souvent on est très sévère pour un petit problème, alors que l’on se bouche le nez et les yeux pour les plus gros problèmes.
Il faut décentraliser pour tenir compte de la réalité, pour responsabiliser, mais aussi pour faire mieux, ce qui est impossible actuellement au Québec. Présentement, il y a des normes minimales en dessous desquels, on ne devrait pas descendre (à moins que vous ne soyez une grande entreprise comme Rio Tinto ou Glencore). Mais, ce que les gens ne savent pas c’est que ces normes sont également un maximum et qu’on n’a pas le droit de faire mieux. C’est ainsi, que lorsque j’étais préfet, alors que l’ensemble des maires de la MRC étaient unanimes pour mettre dans notre schéma d’aménagement des normes plus sévères que celles du Ministère de l’environnement, notamment en ce qui regarde de mieux protéger les sources d’eau municipales, de même que les couloirs visuelles de nos grandes rivières, ce fut interdit. On nous a même menacés de refuser d’accepter l’ensemble de notre schéma d’aménagement. Hors des normes minimales du ministère, point de salut.
Le temps du mépris est terminé, place à la responsabilisation, à la pondération et à l’accompagnement. Le rôle du ministère de l’Environnement ne doit pas se borner à contrôler, à faire la police, il faut également accompagner ceux et celles qui sont dérogatoires dans la recherche de solutions adéquates.
Par ailleurs, lorsqu’il y a des atteintes négatives à l’environnement, il faut que les amendes reviennent dans la région où elles ont été perçues et non au central, comme cela se fait actuellement.
Quelqu’un qui demeure depuis longtemps sur un territoire, développe un sentiment d’appartenance et de fierté et voudra conserver, et même améliorer son environnement. Faisons confiance à l’amour du territoire, il est une bien meilleure garantie pour un environnement de qualité que des normes établis par des gens qui ne veulent pas y demeurer.
Denis Trottier