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Le mot politique tire son origine du mot grec Polis, qui veut dire cité. C’est d’abord au niveau de la cité qu’est apparue notre démocratie. Établie à une échelle humaine, dans laquelle chaque citoyen pouvait participer aux décisions,  elle a bientôt perdu ses lettres de noblesse et a été remplacée, plus souvent qu’à son tour, par des empires et diverses formes de dictatures.

Même lorsqu’elle est réapparue dans nos sociétés plus modernes, elle était basée sur une structure beaucoup plus centralisée. Cette centralisation des pouvoirs s’est avérée rapidement de plus en plus coûteuse, inefficace et même destructrice de nos droits fondamentaux lorsque dirigée par ce qui a pu s’apparenter plus ou moins à des dictatures. La centralisation a été essayée dans à peu près tous les domaines, que ce soit en santé, en éducation, en gestion des ressources naturelles ou autres. Nous devons faire ce constat : la centralisation est un échec. L’avenir est à la décentralisation, au rapprochement des pouvoirs des citoyens et citoyennes.

Il y a cependant au moins trois conditions gagnantes pour la réussir.  La première, c’est que si l’on confie une responsabilité à un palier de gouvernement, que ce soit le municipal, le régional, le national ou le fédéral, il doit s’en occuper seul. Nous ne pouvons continuer comme actuellement, alors que les gouvernements se disant supérieurs ne cessent de demander des rapports de plus en plus complexes et lourds aux différentes municipalités. Selon l’ancien maire de Gatineau, Maxime Pedneaud-Jobin, qui le racontait dans un article de La Presse du 24 février 2023, sa municipalité avait dû consacrer pas moins de 74 000 heures à rendre des comptes au gouvernement du Québec en 2016, soit l’équivalent de 41 employés à temps plein. La réalité, c’est que tant les MRC que les municipalités sont beaucoup plus redevables au ministère des Affaires municipales qu’à leurs citoyens et citoyennes.

D’autre part, il y a une multiplication des paliers de gouvernement à s’occuper d’une même responsabilité. Par exemple, en ce qui regarde la forêt, les municipalités s’en occupent par le biais de diverses réglementations, dont celle de la coupe d’arbres, et les MRC s’en occupent par le biais des lots boisés intramunicipaux et des schémas d’aménagement du territoire. Au Québec, il y a le ministère des Ressources naturelles et des Forêts. Au fédéral, il y a le ministère des Ressources naturelles et le Service canadien des forêts. À cela, il faut ajouter les deux ministères de l’Environnement, tant à Québec qu’à Ottawa, qui réglementent notamment les aires protégées, etc.  C’est difficile de faire pire. Il faut réduire le plus possible le nombre d’intervenants, établir des normes nationales et faire confiance à ceux et celles qui en auront la responsabilité, afin d’éviter les tracasseries inutiles et les dédoublements coûteux et inefficaces.

La deuxième condition, c’est que la décentralisation doit reposer sur un modèle efficace qui rallie le plus de gens possible. Ce modèle, c’est la subsidiarité,  qui a pour principe qu’une autorité centrale ne peut effectuer que les tâches qui ne peuvent être réalisées à l’échelon inférieur. C’est l’inverse de la centralisation. Il faut viser à ce que les responsabilités soient dédiées à l’entité la plus compétente, la plus proche de ceux et celles qui sont directement concernés par cette action. En misant sur le pouvoir de décision au niveau local, les Grecs sont sans doute à l’origine de la subsidiarité. On s’en est bien éloigné depuis ce temps, alors qu’on a mis en place une centralisation inefficace et très couteuse.

La troisième condition pour réussir la décentralisation, c’est d’avoir des hommes et des femmes compétentes qui sauront bien gérer les nouvelles responsabilités qui seront les nôtres. Je suis persuadé que nous sommes aussi intelligents que ceux et celles qui décident au central. Qui plus est, nous avons une meilleure connaissance de notre territoire parce que nous l’habitons. Nous serons également plus responsables, parce nous sommes attachés à notre territoire et que nous voulons laisser à nos descendants et descendantes un patrimoine commun dont ils et elles seront fiers.

Est-ce que le fait remplir ces trois conditions sera une garantie de ne jamais se tromper? Bien sûr que non, mais respecter ces conditions nous permettra de mieux identifier les problèmes et les solutions s’y rattachant, tout en étant plus efficaces et en générant des économies. Actuellement, les gouvernements se « croyant supérieurs » décident à notre place et lorsqu’ils font des erreurs, c’est nous qui devons localement ou régionalement assumer et payer pour leurs erreurs. C’est ainsi qu’à la suite de la présentation du film L’Erreur boréale, de Richard Desjardins, au début des années 2000, le gouvernement du Québec a mis en place la Commission d’étude sur la gestion de la forêt publique québécoise, présidée par M. Guy Coulombe. Elle avait le mandat d’examiner la gestion de la forêt québécoise en 2003 et de faire des recommandations pour la suite des choses. Une des principales recommandations fut de diminuer la possibilité forestière de 20%, parce que le ministère à Québec avait octroyé trop de permis de coupes forestières. Il s’en est suivi que dans la région, nous avons perdu 20% des travailleurs qui faisaient la coupe forestière, 20% de ceux qui transportaient le bois, 20% de ceux qui le transformaient, 20% de ceux qui réparaient ces équipements, etc.

Ce sont environ 2 000 emplois que nous avons perdus dans la région. Que s’est-il passé au ministère à Québec, là où les mauvaises décisions avaient été prises?  Combien de fonctionnaires ont perdu leurs emplois? Pas un seul.  

Si c’est nous qui payons et assumons les erreurs des autres gouvernements, c’est nous qui devrions décider. Nous serons plus responsables, nous apprendrons de nos erreurs et nous en aurons pour notre argent.

Denis Trottier